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Le rôle méconnu de la Suisse dans la surpêche de nos océans

mardi, 28 Mar, 2023

Nos océans sont menacés, c'est un fait largement reconnu. Outre le changement climatique c'est surtout la surpêche, en particulier la pêche illégale, qui contribue chaque jour à la destruction des écosystèmes et à la perte de nombreux êtres vivants. Par contre, le rôle de la Suisse dans cette structure n'est presque jamais discuté. Beaucoup de gens partent du principe qu'un pays enclavé, si prospère et si développé au cœur de l'Europe, ne participe pas à de telles activités - et qu'en tant qu'habitants ils n'ont aucune influence sur la résolution de ces graves problématiques.

 

Notre recherche met à jour le lien dramatique et méconnu entre notre comportement en Suisse et la perte progressive de la vie dans les océans.

30 % des stocks mondiaux de poissons sont surexploités. En outre, 60 % sont déjà exploités à la limite biologique1. Ce phénomène s'explique par le fait que les ministères de la pêche, confrontés à une demande mondiale croissante de poisson, attribuent des quotas de pêche trop élevés - en ignorant les recommandations scientifiques. Le problème ne se pose pas seulement dans les pays lointains et pauvres. La Méditerranée est l'une des eaux surpêchées du monde2 et la mer du Nord et la mer Baltique souffrent également de quotas trop élevés et de leurs conséquences : des populations de poissons qui diminuent, la propagation d'espèces étrangères et invasives et des statistiques de prises accessoires terrifiantes3. Ainsi, pour un kilogramme de crevettes jusqu'à 100 kilogrammes d'autres animaux sont tués. Dans l'Union européenne les prises accidentelles sont effectivement interdites mais dans la pratique cette interdiction se traduit généralement par le rejet par-dessus bord des animaux indésirables, presque toujours morts3.

Un mauvais bilan - pour le climat et pour l'économie

La pêche industrielle a un autre côté sombre : son bilan climatique. Chaque année le chalutage de fond est responsable de 1000 millions de tonnes d'émissions de CO2, ce qui est supérieur aux émissions de l'aviation mondiale4. Cette quantité inimaginable est due au fait que cette branche de la pêche tire des chaluts avec des hameçons sur le fond de l'océan. Lors de ce processus, le fond est brisé ce qui détruit non seulement les récifs et les petites structures mais libère également dans l'atmosphère le carbone stocké dans les sédiments depuis plusieurs milliers d'années.

Ces faits dressent un bilan écologique effrayant de la pêche industrielle. Toutefois, même d'un point de vue économique de graves inefficacités apparaissent : Selon la radiotélévision suisse5, plus de 50 % des activités de pêche mondiales ne seraient pas rentables sans subventions publiques. Ainsi, la pêche industrielle génère un chiffre d'affaires mondial d'environ 90 milliards de dollars US par an mais dépend pour cela du versement de subventions à hauteur de 35 milliards de dollars US.

L'esclavage et l'exploitation humaine

Au cours de nombreuses campagnes, nous envoyons nos navires dans les zones maritimes les plus reculées et traversons également de nombreuses zones de pêche. Lors de ces voyages, nous avons fait une découverte choquante :

Selon les experts, au niveau mondial, entre 15 et 30% du poisson pêché l'est illégalement. La pêche illégale, non réglementée et non documentée ("IUU Fishing") non seulement ignore tout quota et toute réglementation concernant les zones de pêche, les espèces et les méthodes, mais nous découvrons également régulièrement lors de nos campagnes des bateaux employant des travailleurs esclaves. Ces personnes sont généralement d'origine asiatique et sont attirées à bord par de fausses promesses ou dans de nombreux cas ils sont effectivement enlevées. Ils sont maintenus à bord dans des conditions déplorables pendant des années, parfois même des décennies, ne reçoivent aucun salaire ni aucune couverture d'assurance pour leur travail dur et dangereux et n'ont aucune possibilité de quitter le navire et de rentrer chez eux. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime estime que des milliers de personnes sont exploitées dans le monde entier sur des flottes de pêche illégales6.

La Suisse - une partie du problème

C'est là que la Suisse entre en scène. Car ce sont précisément ces produits qui sont proposés dans nos supermarchés et dans nos restaurants. Plus de 90% du poisson consommé en Suisse est importé. Et le Suisse moyen/la Suisse moyenne, avec près de 9 kg par an, consomme presque 50 % de plus de poisson que la moyenne mondiale (6 kg)78.

Au supermarché, les produits de la mer et les fruits de mer portent divers labels et promesses de durabilité. Mais si l'on y regarde de plus près de gros problèmes apparaissent. Lors de l'attribution des labels, certains critères importants ne sont pas pris en compte - par exemple la quantité de prises accessoires lors d'une pêche. De plus, parmi les produits certifiés "durables", on trouve d'innombrables poissons pêchés au chalut de fond, malgré les conséquences désastreuses pour le climat et l'écosystème. De plus, des doutes subsistent sur l'origine réelle de divers produits. Cela est notamment dû au fait qu'au lieu de contrôles efficaces, on ne travaille généralement qu'avec des hypothèses de plausibilité - ce qui facilite l'introduction sur le marché suisse de poissons pêchés illégalement et faussement déclarés. Le poisson d'élevage n'est malheureusement pas une alternative dans la plupart des cas - car la plupart des installations nourrissent leurs poissons avec des farines de poisson issues de la pêche sauvage.

Plus de deux milliards de personnes dans le monde dépendent du poisson pour leur alimentation. La société suisse n'en fait certainement pas partie. Au lieu de cela, la tendance est soutenue par les promesses publicitaires de l'industrie, qui présentent le poisson comme une alternative durable et saine à la viande. Ces déclarations ignorent les problèmes écologiques et sociaux drastiques de l'industrie. Par ailleurs, les promesses en matière de santé sont souvent trompeuses. En raison du niveau élevé de pollution de nos mers, les poissons sont très souvent contaminés par des produits chimiques et des métaux lourds, comme l'arsenic, le cadmium, le plomb ou le mercure. Certaines de ces substances s'accumulent dans le corps et même dans le cerveau, ce qui rend un apport régulier d'autant plus problématique. D'autres sont des cancérigènes avérés9.

Huile de foie de requin dans les produits cosmétiques

La conclusion est évidente : consommer des bâtonnets de poisson, du thon, du saumon et des sushis est généralement très nocif - pour les animaux, pour l'environnement, pour les travailleurs et pour sa propre santé. Mais l'enchaînement ne s'arrête pas là. Dans l'industrie cosmétique et pharmaceutique notamment, on utilise encore des produits tels que l'huile de foie de requin (squalan/squalen), qui proviennent le plus souvent d'opérations de pêche illégales. Les requins se trouvent au sommet de la chaîne alimentaire marine et sont très importants pour la santé de l'écosystème. Leur population s'est déjà effondrée d'environ 90 % en raison de la forte chasse (généralement illégale). Pourtant, dans les magasins suisses, on trouve de nombreux produits contenant de l'huile de foie de requin10. Cela n'est pas déclaré et est difficilement reconnaissable pour les consommateurs. Ainsi, lors de l'achat de produits cosmétiques ou pharmaceutiques, il est important de faire attention à ce que le squalane utilisé soit d'origine végétale.

Que faut-il faire ?

Il serait faux de penser que l'individu ne peut rien faire pour changer ces conditions. C'est le contraire qui est vrai : c'est la demande qui pousse l'offre. Voici ce que nous pouvons tous faire :

- Renoncer aux poissons et aux fruits de mer

- Opter pour des produits végétaliens en cosmétique et en pharmacie

- Sensibiliser ses amis, sa famille, ses collaborateurs et ses connaissances

- Soutenir Sea Shepherd

Depuis 2016, nos navires opèrent dans les eaux côtières d'Afrique de l'Ouest et de l'Est - des zones biologiques clés, riches en biodiversité, qui sont pratiquement vidées de leurs poissons par les grands chalutiers de Chine, de Corée du Sud, d'Espagne et d'autres nations. Les gouvernements locaux manquent de moyens pour mettre fin à ces activités qui sont pour la plupart illégales. Dans le cadre d'une coopération sans précédent avec les gouvernements de ces États côtiers, Sea Shepherd patrouille les eaux et effectue des contrôles en collaboration avec les garde-côtes. Entre 2016 et 2022, plus de 80 chalutiers pêchant illégalement, dont certains avec des travailleurs esclaves à bord, ont déjà été arrêtés et des millions d'animaux marins sauvés. Le travail intensif porte ses fruits : Les populations de poissons commencent déjà à se reconstituer.

Pour en savoir plus sur nos campagnes sur la pêche illégale, cliquez ici.

Sources :

1. FAO (2020). The State of World Fisheries and Aquaculture. Sustainability in action.
2. Die Welt. Das Mittelmeer vor dem “point of no return". Artikel vom 09.04.2017.
3. TAZ. Überfischung in Nord- und Ostsee: Weggeworfen wie Müll. Artikel vom 06.10.2018.
4. Sala E., et al. (2021). Protecting the global ocean for biodiversity, food and climate. Nature, 592(7854).
5. SRF (2021). Bis zum letzten Fisch? Sendung vom 1. Juli 2021.
6. De Coning, E. (2011). Transnational Organized Crime in the Fishing Industry. United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC).
7. Studer B. (2010; aktualisiert 2016). Die Schweiz isst zu viel Fisch. Blog-Beitrag fair-fish.ch
8. Statista (2022). Pro-Kopf-Konsum von Fisch in der Schweiz bis 2021. Statistik. statista.com
9. Zentrum der Gesundheit. Fisch: Ist er wirklich so gesund? Artikel vom 24. Februar 2023.
10. MeinBezirk.at. Haie sterben für Schönheitsprodukte. Artikel vom 15. Februar 2022.

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